Comment Disneyland Paris veut créer l'urgence de la visite
bonne lecture ^^
Malgré sa grande notoriété, Disneyland Paris subit, comme tous les acteurs du tourisme, les effets de la crise. Les visiteurs sont moins nombreux et se montrent plus frileux à ouvrir leur porte-monnaie. Pour les inciter à (re)prendre le chemin du parc, Disney table sur un « marketing de l'urgence » et sur l'augmentation des dépenses au sein même du parc.
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Avec 15 millions de visiteurs en 2010, contre 15,4 en 2009, Disneyland se targue d'être la première destination touristique européenne, et ce depuis quelques années déjà. Mais gérer le marketing d'un tel complexe n'est pas chose aisée. Voici 5 ans, les responsables marketing parisiens - qui établissent la stratégie globale avant qu'elle ne soit appliquée au niveau local - ont dû riposter à la stagnation du nombre de visiteurs. Les responsables du parc s'étaient rendu compte que, malgré son importante notoriété, les prospects ne se rendaient plus à Disneyland Paris pour ses seules nouvelles attractions. En effet, le nombre de « nouveaux » visiteurs était passé de 60 % en 2000 à 40 % en 2005. Résultat : Disney est passé d'un marketing produit à un marketing expérientiel. Un succès... toujours en vigueur aujourd'hui.
Marketing de « l'expérience bonheur »
Autrement dit, au lieu d'assurer la promotion du parc en lui-même ou de ses attractions, Disney suscite désormais l'envie de faire le déplacement et communique exclusivement sur « des moments d'exception », des « instants magiques » et donc sur tout l'univers des personnages de Disney. Le parc devenant, de la sorte, le décor d'une expérience hors du commun.
« C'est un marketing sans grande créativité et très premier degré, analyse Jean-Charles della Faille, directeur créatif de l'agence Van Piperzeel. Mais il fonctionne assez bien et le parc n'a pas forcément besoin de plus d'originalité : les personnages et l'univers Disney font l'essentiel. En ce sens, le marketing de Disney est très proctérien, c'est-à-dire qu'il mise sur l'efficacité du produit. Sauf qu'ici le parc est un produit de rêve et que Disney communique sur le résultat : rendre les enfants heureux. »
La plupart des parcs d'attractions travaillent de la sorte, mais Disney dispose d'un avantage évident : l'importante notoriété de ses nombreux personnages, des dessins animés, des films, etc. Ce marketing de l'expérience est, essentiellement, tourné vers les « familles Disney » identifiées par le groupe : les jeunes ménages avec enfants qui apprécient l'univers de Mickey et disposent d'un certain pouvoir d'achat.
Nécessité de créer l'urgence
Seulement, Disneyland Paris souffre du caractère relativement imprévisible des visites de ses clients. En effet, beaucoup de gens attendent le « moment parfait » avant d'aller visiter le parc, estimant qu'ils ne sont pas pressés et qu'ils peuvent aussi bien s'y rendre aujourd'hui... que l'année prochaine. Voire celle d'après. Car si les spécificités de Disneyland et de son univers l'éloignent de la concurrence des autres parcs d'attractions, Disneyland Paris fait face à une « concurrence tous azimuts, observe Jean-Charles della Faille. Elle provient tant d'un séjour à Rome que d'un week-end à la mer ou d'une visite de Paris. »
Ce frein à la visite, les responsables marketing de Disney entendent le lever grâce à un mot d'ordre global : « Créer le sentiment d'urgence ». Pour y parvenir, le parc joue énormément sur les promotions et sur des campagnes d'activation. A l'aide d'une réduction « exceptionnelle » qu'on « ne peut pas refuser » et dont il faut « profiter au plus vite », Disney tente d'inciter le public à se rendre sur Internet ou chez son tour- opérateur pour commander son séjour rapidement.
Les promos ne sont toutefois pas le seul élément de cette stratégie d'urgence. Les responsables du parc ont également multiplié les thématiques ces dernières années : la fête magique de Mickey (2009), l'année de la nouvelle génération (2010), le festival des moments magiques Disney (2011 jusque mars 2012). « Ces thématiques s'accompagnent de spectacles constamment renouvelés invitant les visiteurs à les découvrir à ce moment-là pour une durée limitée. Des spectacles qui ne seront peut-être plus là l'année prochaine », enchaîne Isabelle Willemsens, Senior commercial Manager belge des parcs Disney. La pratique est instaurée et, tous les ans, le parc propose un thème général autour duquel il communique intensivement. En 2012, le parc fêtera ses 20 années d'existence et jouera, à nouveau, la carte de l'événement exceptionnel pour faire revenir le public.
Dans la même veine, après la mort de Michael Jackson, Disney a reprogrammé l'attraction Captain Eo, un film (de 1986) mettant en scène le chanteur en 3D. Le retour de l'attraction n'est que temporaire mais l'effet est déjà là : les fans du chanteur se précipitent pour profiter de Captain Eo « tant qu'il est encore là ». Certains franciliens se rendent même dans le parc à intervalles réguliers... rien que pour visionner ce film. Comme s'ils allaient au cinéma !
Avec la même volonté d'inciter à la visite « impulsive », le parc de Mickey et ses amis mise énormément sur la saisonnalité dans sa communication, comme au moment d'Halloween et de Noël, par exemple. Les personnages se parent d'habits de saison et le visiteur est encouragé à découvrir le parc dans d'autres circonstances. « Il y a plusieurs façons de découvrir les parcs Disney. On propose aux visiteurs qui ont vu les parcs en été de revenir l'hiver, pour les découvrir dans une ambiance totalement différente», enchérit Yves Boulanger, responsable des relations publiques du parc en Belgique.
Disneyland Paris entend ainsi capter de nouveaux visiteurs ou des visiteurs irréguliers... mais compte aussi sur les mordus pour revenir lors de ces moments plus spéciaux. Sans communiquer de chiffres, Dirk Van Holsbeke, directeur clients et communication de Jetair, qui propose les séjours dans son offre, admet que « la réaction du marché est vraiment très positive quand on parle d'Halloween ou de Noël ». Les visiteurs belges se montrent très réceptifs et cela permet de lisser leur nombre tout au long de l'année alors que certains marchés (comme le Sud de l'Europe) sont plus saisonniers.
Augmenter les dépenses
Mais tirer les visiteurs jusqu'au parc n'est pas la seule mission des responsables marketing de l'empire Disney. Encore faut-il les inviter à ouvrir leur porte-monnaie dans le parc. Surtout si le prix du séjour est revu à la baisse grâce aux promotions. Le groupe Disney ne s'en cache pas : dans son rapport d'activité 2010, il affirme que l'objectif de l'année passée était de « maintenir la fréquentation à haut niveau tout en faisant progresser les dépenses par les visiteurs dans nos parcs et hôtels ». Pour faire grimper l'addition de ses admirateurs, Mickey peut compter sur « l'achat bonheur du moment, analyse Jean-Charles della Faille. Sur place, tout est assez cher, mais Disney sait que le public craquera parce qu'il est dans l'ambiance magique du parc, que les enfants incitent leurs parents à la dépense et qu'ils sont moins regardants puisqu'ils sont plongés dans la magie du moment. »
En 2009, le montant moyen des dépenses dans le parc s'élevait à 44,22 euros par visiteur tandis qu'en 2010, ce chiffre grimpait à 45,30 euros. Soit un peu plus d'un euro par tête, ce qui n'est pas négligeable quand on attire plus de 15 millions de personnes par an ! Pour faire gonfler ce montant, Disney affine son offre dans les parcs : les restaurants et boutiques sont partout. C'est d'ailleurs la restauration qui est avancée comme facteur d'augmentation des dépenses moyennes dans les parcs mais également dans les hôtels (209,78 euros par visiteur en 2010). Outre la nourriture, les magasins proposent du merchandising saisonnier. « Il est vrai que certains produits ne sont que temporaires, admet Yves Boulanger. Ces produits uniques correspondent à des moments uniques pour le visiteur. » Inciter à l'achat plaisir, donc.
Autre moyen d'augmenter les dépenses par visiteur : les « options ». Lorsqu'il effectue sa réservation dans son agence de voyage ou sur Internet, le client se voit offrir une série d'autres promotions (jusque 15 % de ristourne) s'il les réserve immédiatement : lunch avec des personnages Disney (34 euros), lunch gastronomique avec des princes et princesses (60 euros) ou réservation du dîner-spectacle Buffalo Bill (49 euros). Dirk Van Holsbeke confirme le succès de ces extras : « Ces tickets et repas thématiques rencontrent un certain succès car le voyageur fait très attention à son confort et souhaite vivre une expérience ''totale''. » Les agents de voyages sont d'ailleurs briefés pour accompagner le voyageur dans son acte d'achat. « Nous développons la vente de ces options depuis environ deux ans, avec un certain succès », admet Isabelle Willemsens qui se refuse toutefois à communiquer ses résultats.
Christophe Charlot
sources : http://trends.levif.be/economie/actualite/entreprises/comment-disneyland-paris-veut-creer-l-urgence-de-la-visite/article-1195116613555.htm