Philippe Gas: «Notre objectif est de consolider la performance malgré la crise»
La rédaction - Le Grand Journal - bfm, le 29/04/2009
Le président du groupe Eurodisney se montre optimiste face à la crise malgré une perte nette importante au premier semestre 2009.
Fabrice Lundy : Le CAC 40 en recul d'1,6% ce soir, à 3051. Gros plan sur Eurodisney, le titre chute de 9,5%, à 3, 61 euros. 2008 avait vu Eurodisney repasser dans le vert, après six années négatives. 2009 démarre mal, puisque Eurodisney a quasiment doublé sa perte nette au premier semestre, quasiment 72 millions d'euros. Pourtant, il y a du monde dans les parcs?
Philippe Gas : On est satisfait de deux éléments. D'abord, ce sont effectivement les niveaux de fréquentation et d'occupation des hôtels. Vous avez vu qu'en fréquentation on est en progression sur le premier semestre, plus 111 000 visites par rapport au premier semestre 2008.
Ça fait un peu plus de 7 millions de visiteurs ?
Ça fait 7,1 millions à peu près. Ensuite, le taux d'occupation des hôtels est à 86%, effectivement en légère baisse par rapport à l'an dernier où l'on était à 88,5%, mais c'est tout de même très élevé, donc pour ça on est satisfait. Vous vous rappelez que l'on avait parlé, à la fin du premier trimestre, du fait que cette crise nous impactait et qu'elle allait certainement avoir des effets que l'on était peu en mesure, à l'époque, de mesurer. Maintenant elle est là, mais ce fossé dans la performance aujourd'hui s'explique d'abord par de gros éléments: tout d'abord, on est très tributaires des vacances scolaires. On a vu cette année un phénomène de glissement des vacances de Pâques en avril, ça équivaut pratiquement à 13 millions d'euros, que l'on va retrouver sur le deuxième semestre. Vous vous rappelez aussi qu'au premier semestre, on avait parlé d'une transaction immobilière importante sur la vente d'un terrain, d'à peu près 13 millions également, que l'on n'a pas retrouvée cette année, et ce n'était pas prévu non plus. Il y a pratiquement 60% de cette différence qui s'explique par ces deux éléments, et après, c'est affronter la crise, c'est-à-dire faire face à un changement de contexte, et ce que l'on voit c'est que nos visiteurs réfléchissent plus, ils prennent plus de temps pour prendre la décision, ils attendent les offres.
Ils attendent les bonnes promotions finalement ?
Tout à fait. On voit ce phénomène et on parle beaucoup avec nos collègues du tourisme, et ils subissent le même phénomène. Il faut donc s'adapter en fonction de tous les marchés sur lesquels on travaille. C'est très réactif, il faut continuer à avoir ces offres qui permettent de continuer à générer de la demande. L'élément satisfaisant pour moi, c'est de voir que la demande est là. On continue à la tenir et c'est important pour nous, parce qu'on ne pense pas qu'à 2009 et à la crise, on pense aussi à l'après-crise, donc il y a vraiment les fondamentaux qui sont sains pour nous, et c'est ce que l'on regarde.
Mais vous n'avez pas forcément beaucoup de visibilité sur la fin 2009 pour envisager l'après-crise? Vous êtes comme tout le monde?
Tout à fait, mais générer les volumes et générer la demande est important, ça montre qu'elle existe, et qu'on est capable de les faire venir.
Il y a du monde. Il y a moins d'espagnols, clientèle qui a beaucoup chuté, pays qui est vraiment touché plus que les autres par cette crise. Moins 40% pour les Espagnols, moins 11% pour les Britanniques, autre pays touché par la crise. Il y a du monde dans les parcs, puisqu'on atteint des fréquentations record, avec des visiteurs qui dépensent moins. Les visiteurs dépensent 43 euros contre 44,67 euros?
C'est ça. Ce qui se passe dans les parcs, c'est qu'il y a le phénomène naturel de prudence de nos visiteurs, comme partout, c'est à dire qu'ils vont dépenser avec beaucoup plus d'attention. C'est une chose. Vous avez aussi un changement dans la typologie des visiteurs. Vous parliez tout à l'heure de la baisse du marché espagnol, c'est vrai, on a été impacté comme beaucoup de marchés par cette baisse là, qui est un marché très contributif en dépense moyenne. Vous avez en revanche, une montée en puissance très forte des marchés français et belge, des marchés plus de proximité, mais le profit de ces visiteurs fait qu'ils ont naturellement, que ce soit avec ou sans crise, tendance à dépenser moins, parce que quand on habite Paris, la demande, en termes de boutiques notamment, est très différente.
Déjà, on va moins à l'hôtel quand on habite Paris ?
Forcément, du moins on y reste une nuit au lieu de trois. C'est un phénomène aussi qui accompagne le changement de typologie des visiteurs, et c'est une chose sur laquelle on doit aussi s'adapter.
La question de s'adapter, évidemment, dans ce contexte, ça va se traduire comment? Par une gestion rigoureuse des coûts, une réduction des coûts, une réduction également de certains effectifs?
On n'a pas de plan de réduction d'effectifs. Réduction des coûts, tout à fait, vous voyez déjà dans nos résultats que nos coûts sont en légère diminution par rapport au premier semestre de l'année 2008. Il y a donc réellement un contrôle très attentif de la gestion de nos coûts au jour le jour. Quand vous parlez des effectifs, en revanche, c'est très différent. Pour nous, la clé, c'est aussi la qualité de l'expérience des visiteurs, on est en progression, les volumes sont là, la complexité de gestion au jour le jour existe, et c'est aussi une de nos priorités. On a aujourd'hui des effectifs que l'on estime être les bons pour gérer les volumes auxquels on a à faire face, donc on n'a pas de plan au niveau des effectifs. En revanche, c'est gérer avec beaucoup de précaution et beaucoup d'attention nos coûts au jour le jour, et on voit déjà sur le premier semestre un résultat au niveau des charges, en légère diminution, qui montre bien cette attention portée au contrôle des coûts.
Ça veut dire quoi, ça veut dire que pour l'instant vous mettez entre parenthèses de nouvelles attractions à venir ?
Non, pas sur les investissements en termes d'attractions et de produits. Le contenu créatif, c'est aussi le nerf de la guerre pour Disney, donc on continue à travailler dessus. On a lancé au 1er avril toute une célébration, «la fête magique de Mickey», on a une nouvelle attraction, on a déjà un plan, et on travaille sur le développement pour 2010 d'une nouvelle attraction, donc ça continue. On va continuer à développer. En revanche, ce sont d'autres projets, on peut parler par exemple de projets de développement informatique, un contrôle attentif sur les dépenses liées aux consultants, on a fait aussi des études sur le sourcing et les achats. Ce sont d'autres sources que l'on regarde mais ce ne sont pas les effectifs, et ce ne sont pas les investissements dans le produit.
Il y aura un dividende versé ou pas ?
On n'avait pas de dividende pour l'instant en considération, sachant que notre objectif est de consolider la performance. Il faut affronter la crise, il faut que l'on y fasse face, il faut que l'on arrive à continuer à générer la demande. Les dividendes vont devenir d'actualité le jour où l'on aura consolidé cette performance, on sera capable de les payer de façon récurrente et pas exceptionnelle.
Dernière question, en rapport évidemment avec l'actualité, on oublie pour l'instant vos résultats semestriels, on parle de cette pandémie de grippe porcine, venue du Mexique. Evidemment, Eurodisney brasse du monde, quinze millions de visiteurs chaque année. Dans un endroit public comme Eurodisney, qu'est-ce que vous faites pour prévenir ce type de pandémie? Est-ce que c'est une préoccupation, est-ce que vous avez des plans?
Tout à fait. Vous vous rappelez en 2003, le SRAS, et la grippe aviaire, on avait des plans extrêmement précis, on est en contact permanent avec les organisations de la santé et de l'État français, aussi avec nos parcs aux Etats-Unis, qui sont très proches de l'origine de la grippe porcine, ainsi qu'avec le CDC, le Centre de contrôle des maladies aussi aux Etats-Unis. On a des plans que l'on est en train de réactiver, de contrôle, de prévention, qui étaient justement existants avec le SRAS, que l'on remet en ordre de marche. On regarde ça de façon extrêmement vigilante depuis maintenant que cette pandémie s'est déclarée. On est forcément très vigilant.
Ça peut se traduire comment? Qu'est-ce que vous pouvez décider comme mesure extrême? Fermer le parc, obliger à porter un masque?
Ça peut être exactement les mêmes choses qui s'appliqueraient à tout établissement public. Maintenant, il y a des choses qui nous sont imposées si on arrivait au pire des cas. Aujourd'hui, on est loin d'en être là, on est dans la prévention. Vous aviez vu que dans le cas de SRAS, on avait été extrêmement vigilant, pro-actif, et il n'y avait eu aucun problème à Eurodisney et c'est la même chose. Il faut être vigilant, tout le temps en communication extrêmement pro-active avec tous nos partenaires, et c'est ce qu'on fait, on a déjà tout réactivé. On n'attend pas que la situation soit plus alarmante, on le fait tout de suite.
PS: Au passage, vous avez sans doute remarqué la confirmation en 2010 d'une nouvelle attraction...
Source: BFM